JUS DE SYLVAIN, «EDITION D’UNE FORÊT À VENIR»

L'anthotype, procédé photographique inventé au XIXe siècle par l'écrivaine et scientifique écossaise Mary Somerville, permet de créer des images en exploitant la lumière solaire pour détruire les pigments végétaux. Ces tirages sont le fruit d'un séjour en forêt, sur une parcelle de « coupe rase » de 10 hectares, réalisée avec les élèves de terminale CGEA du lycée Gilbert Martin de Le Neubourg dans l’Eure, sur invitation de Sara Favriau. La chlorophylle extraite des digitales présentes sur cette même parcelle de la forêt de Beaumont-le-Roger a servi à la création de ces anthotypes.

Avec ce procédé, nous nous éloignons du domaine de la photographie traditionnelle. Les tirages, réalisés par contact, s’apparentent davantage à des œuvres picturales qu’à des photographies classiques. Le processus de transformation qui s’opère ici est profondément lié au vivant : photosensibles, ces anthotypes s’effacent progressivement sous l’effet des rayons UV. Exposés au monde, dans tous les sens du terme, ils se métamorphosent, rappelant la fugacité et la fragilité de toute vie, en soulignant la transformation continue qui régit nos existences. Paradoxalement, ce processus d’altération devient un hommage à la pérennité, à travers la disparition et la renaissance de l’œuvre.

Le livret qui accompagne cette édition symbolise cette dualité : la disparition des arbres et la régénération de la forêt. Les végétaux cueillis sur la même parcelle, utilisés pour les tirages, portent en eux le signe de cette résilience et de cette renaissance. Une boîte, à la fois protectrice et cachant les 20 images, en devient le contenant sacré. « Le fermoir » de cette boîte est un fragment de l’œuvre Saison noire de Sara Favriau, une œuvre qui, par son geste, scelle l’union de la nature et de l’art.

Ce qui m’intéresse particulièrement dans cette technique, c’est la réintroduction des cycles naturels dans la création des images. Les anthotypes sont élaborés à partir de matériaux organiques : papier fait main et jus végétaux. Contrairement à la photographie classique, qui exige des conditions de conservation rigoureuses, l’anthotype vit et se transforme sous l’effet du soleil. Son image se fane et se dégrade au fil du temps, un peu comme une feuille qui se décompose pour nourrir le sol. Cette œuvre ne fait pas que disparaître : elle se réintègre dans le cycle de la nature, pouvant être compostée et ainsi donner naissance à de nouveaux papiers ou végétaux, prêts à offrir de nouvelles images.

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